top of page

Notre Newsletter

Dixième numéro, Janvier 2022

Pour vous abonner à notre newsletter :

SOMMAIRE

Par Héloïse CHAPUIS

Par Estelle ANDREATTA

Image-1 2.png

Réforme du droit des sûretés 2021 : L’assouplissement du formalisme ad validitatem des contrats de cautionnement

La formation du contrat de cautionnement est soumise à des conditions de fond et de forme. La réforme du droit des sûretés est venue les alléger, notamment celles de forme relatives à la validité du contrat de cautionnement.

L’objectif premier semble être de corriger les abus engendrés par le formalisme strict préalable à la réforme afin de réduire les contentieux. Il s’agit ainsi de renforcer l’efficacité du contrat de cautionnement sans pour autant renoncer à la protection du consentement de la caution personne physique. Néanmoins, le nouveau texte pourrait susciter, certes dans une moindre mesure, des nouveaux contentieux.Cet article tentera de retracer l’évolution du formalisme ad validitatem de certains contrats de cautionnement, ainsi que ses conséquences.

Image-1 3.png

Droit du numérique : tout savoir sur la signature électronique

Il est aujourd’hui pratique courante d’établir des contrats par le biais d’internet et d’utiliser, de ce fait, la signature électronique afin de les concrétiser. Mais force est de constater que peu de personnes sont finalement au courant de l’importance de cette dernière, tant du point de vue de son efficacité vis-à-vis des tiers que de sa force probante en cas de contentieux. Quels sont les origines de la signature électronique ainsi que les garanties offertes par celle-ci ? Et quels sont les trois types de signature électronique ainsi que leur fiabilité ? Décryptage.

Par Julie COUHERT

Image-1.png

L'autorité de la Concurrence face à la crise sanitaire : une limite à la liberté contractuelle

Le rôle de l’Autorité de la concurrence demeure primordial au sein de notre économie et permet à tous les partenaires commerciaux de trouver leur place au sein du marché, et ce, quel que soit leur taille. Cependant, une difficulté subsiste : celle de l'immixtion de l'Autorité dans les contrats, qui peut parfois s’avérer trop importante. Les pouvoirs de celle-ci mettent-ils à mal l’effet relatif des contrats ? Son pouvoir est-il déséquilibré par rapport aux enjeux ?

Cet article permettra d’analyser les pouvoirs de l’Autorité sur les contrats ainsi que l’influence de la crise sanitaire sur ces pouvoirs.

Article 1

​

L’autorité de la Concurrence face à la crise sanitaire : une limite à la liberté contractuelle (note 1).

Henry Lacordaire le relevait dès le XIXe siècle : « entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ». Cette liberté se doit donc d’être encadrée, notamment à travers des institutions de contrôle. Du point de vue du droit de la concurrence en droit français, il s’agit de l’Autorité de la Concurrence. Celle-ci est d’abord tenue d’une mission de détection et de sanction des pratiques anti-concurrentielles, mais également une mission de conseil auprès du gouvernement sur le droit des pratiques anti-concurrentielles. 

Mais aujourd’hui, force est de constater que le rôle de gardienne du bon fonctionnement du marché a été progressivement abandonné par l’Autorité au profit d’une mission de régulation de la concurrence. 

 

L’Autorité de la concurrence nous propose sa définition de la concurrence comme étant un « processus par lequel les entreprises rivalisent entre elles sur le marché pour satisfaire au mieux les attentes des clients, entreprises comme consommateurs » (note 2).  

Ainsi, la concurrence est vue comme un modèle économique dépourvu d’interventionnisme étatique dans un but de préserver la liberté du commerce et de l’industrie. Au fil du temps, il est devenu nécessaire de faire émerger un droit de la concurrence afin de préserver la structure du marché, assurer l’efficience du marché au service de l’utilisateur final. 

 

La concurrence apparaît en effet indispensable pour la croissance économique. Elle permet aux entreprises d’innover, de se diversifier afin de répondre au mieux aux besoins des consommateurs mais également à ceux des entreprises. C’est pour cela que le droit de la concurrence est intervenu sur le marché afin de s’assurer que chaque opérateur économique puisse agir à armes égales et ainsi veiller au respect d’une concurrence praticable. Pour ce faire, il existe différentes institutions chargées de faire respecter le droit de la concurrence, notamment l’Autorité de la concurrence en droit français et la Commission européenne au niveau européen.  

 

La crise sanitaire qui a frappé le monde depuis le début de l’année 2020 a bouleversé tant nos quotidiens que l’économie générale. Cette crise met ainsi le droit de la concurrence face à des situations inédites auxquelles il a dû s’adapter. L’Autorité vacille alors entre souplesse et encadrement, rendant difficile la recherche d’harmonisation entre les partenaires économiques. 

 

S’il est évident que l’Autorité de la Concurrence exerce une influence notable sur les contrats conclus entre opérateurs économiques (I), cette ingérence connaît des limites et n’est pas totalement étrangère au droit commun des contrats (II). 

 

I. L’ingérence du droit de la concurrence dans les contrats 

 

Depuis la loi Macron de 2015 (note 3), le législateur a imposé aux centrales d’achat de notifier à l’Autorité de la Concurrence lorsqu’un projet d’accord de coopération était envisagé entre elles afin de lutter contre une opération qui pourrait nuire au bon développement de la concurrence. Cependant, la transparence tarifaire ayant entraîné une baisse de la compétitivité, cela a conduit les centrales d’achat à conclure des accords de coopération sur les prix. Or, ceux-ci peuvent entraîner des restrictions de concurrence. C’est pour cette raison que l’Autorité a la possibilité de se saisir d’office et de notifier aux partenaires économiques si les clauses prévues dans les accords sont restrictives de concurrence, que ce soit par leur objet ou par leur effet.  

Pendant le confinement, l’Autorité de la concurrence a fait preuve de tolérance à l’égard des accords entre entreprises. En effet, il était indispensable que les produits de premières nécessités soient accessibles à tous. Par conséquent l’Autorité a dû s’adapter afin de faire face à cette crise et ne pas empêcher la distribution des produits jugés indispensables. 

 

L’autorité est également dotée d’un pouvoir de contrôle sur les opérations de concentration ; son rôle est d’empêcher des prises de contrôle entre entreprises qui entraineraient une restriction de concurrence. Ces opérations étant fondées sur la base d’un contrat, sa simple conclusion doit faire l’objet d’une notification auprès de l’Autorité. Or, la crise sanitaire actuelle a favorisé le développement de comportements anticoncurrentiels, notamment à propos de la vente de gels hydroalcooliques et de masques chirurgicaux. C’est pourquoi le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire, envisage d’encadrer les prix afin d’éviter que des effets nuisibles entraînent des répercussions tant sur les concurrents que sur les consommateurs. 

 

L’immixtion du droit de la concurrence au sein des contrats est de ce fait certaine, mais son objectif n’est pas tant étranger à celui poursuivi par le droit commun des contrats. 

 

II. L’étroit lien entre le droit de la concurrence et le droit des contrats 

 

L’Autorité a également la possibilité de modifier le contrat a posteriori. En effet, lorsqu’elle constate un effet anticoncurrentiel au sein des clauses contractuelles présentes dans les contrats, les parties sont dans l’obligation de modifier le contenu desdits contrats afin de se conformer aux dispositions relatives au droit de la concurrence. De plus, l’Autorité de la concurrence peut provoquer la modification du contrat grâce à des procédures négociées.  Depuis la loi Macron de 2015, il existe une nouvelle procédure qui est la transaction. Par ce biais, l’entreprise renonce à contester les manquements qui lui sont reprochés et le contrat est corrigé. 

Nous pouvons constater que le contrat est ainsi analysé par rapport à son environnement concurrentiel et non pas selon son propre équilibre comme il en est en droit commun. La problématique contractuelle est abordée par le prisme de ses effets anticoncurrentiels. Le contrôle du contrat par l’Autorité connaît certaines limites mais celles-ci sont mises à l’épreuve à la suite de l’épidémie de Covid. 

 

L’autorité de la concurrence ne statue pas sur les pratiques commerciales déloyales. En effet, le dessein de cette action est la réparation d’un préjudice. Or, l’Autorité agit afin de faire cesser les pratiques anticoncurrentielles. Il en est de même pour les pratiques restrictives de concurrence qui relèvent de la compétence du juge judiciaire. 

En outre, l’Autorité de la concurrence ne peut intervenir dans une relation contractuelle dans le but de sanctionner un abus de dépendance dès lors que celui-ci ne s’inscrit pas dans un abus de position dominante pour lequel l’Autorité serait compétente. 

Enfin, le rôle de l’Autorité sur les contrats revêt un caractère préventif et curatif qui varie selon le degré de la pratique. Elle permet de garantir un équilibre contractuel, ce qui, finalement, n’est pas étranger au droit des contrats. 

 

L’épidémie de Covid a ainsi entraîné un assouplissement des exigences afin de maintenir une économie viable, et des mesures provisoires ont été mise en place pour répondre à l’urgence de la situation. Comme mentionné précédemment, il y a eu un assouplissement en matière d’accord de coopération mais également en matière de délais de notification pour les concentrations. En effet, les délais ont été allongés. L’Autorité a également accru ses pouvoirs consultatifs : elle peut même s’autosaisir et rendre des avis ou des recommandations qui permettent d’éclairer les partenaires sur les prévisions contractuelles, sans pour autant que ces avis aient force obligatoire. Néanmoins, cette baisse d’exigence pourrait entraîner un durcissement des contrôles a posteriori. 

​

Héloïse CHAPUIS

Note 1 : V. Aussi S. ATSARIAS-DUMAS, AJ Contrat, Novembre 2020, p.474.

Note 2 : Autorité de la concurrence, entrée « nos missions », site web

Note 3 : Loi n°2015-990 du 6 Août 2015

​

Droit du numérique : tout savoir sur la signature électronique

Julie COUHERT

Note 1 : BENSOUSSAN (A.) et LE ROUX (Y.), Cryptologie et signature électronique, Paris, HERMES Science Publications, 1999, p. 79 

Note 2 : Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (aussi appelée LCEN ou LEN)

Note 3 : CA Montpellier, 1ère ch., 9 avril 1987, confirmé par Cass. civ, 1ère ch. 8 novembre 1989, Sté Crédicas, Bull. civ. I, n° 342

Note 4 : Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 portant sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques 

Note 5 : Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (aussi appelée directive sur le commerce électronique) 

Note 6 : Directive 2001/115/CE du Conseil du 20 décembre 2001 modifiant la directive 77/388/CEE en vue de simplifier, moderniser et harmoniser les conditions imposées à la facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée 

Note 7 : Règlement (UE) n ° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE 

Note 8 : CAPRIOLI (E. A.), Signature électronique et dématérialisation, Paris, LexisNexis, 2014, p. 99 

Note 9 : C. Civ., 1316-4 al. 1  

Note 10 : Avis 98/C157/01 du Comité économique et social « Assurer la sécurité et la confiance dans la communication électronique, vers un cadre européen pour les signatures numériques et le chiffrement, JOCE (C) 157 du 25 mai 1998 

Note 11 : Recommandation n°07-02 relative aux contrats de vente mobilière conclus par internet (Bulletin Officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du 24 décembre 2007)

Note 12 : Anciennement C. Civ., 1316-4 

Entre les remises de chéquiers à la banque, les entretiens annuels d’évaluation en entreprise, ou encore la réception d’un colis, nombreux sont les contrats aujourd’hui soumis à la signature électronique. 

 

La signature en général revêt ainsi une importance capitale dans la pratique contractuelle, bien qu’elle ne soit guère souvent étudiée en profondeur. Ainsi, la signature, au sens général du terme, « permet d’une part d’identifier qui en est l’émetteur, et d’autre part, d’exprimer sa volonté d’adhérer à ce qui est écrit sur le document. » (note 1) La signature présente donc, de ce fait, un élément de sécurité pour la relation entre les parties. 

Dans l’esprit général, la conception de « signature » s’apparente à celle de la signature manuscrite, donc à un tracé visible, et personnel à son auteur. Au vu de cette définition, il serait alors légitime de se poser la question suivante : le fait d’apposer sa signature sur une tablette électronique lors de la réception d’un colis par exemple, donne-t-il à cette signature la qualification de « signature électronique » ?

La réponse la plus intuitive pourrait être de répondre par l’affirmative ; or, tel n’est pas le cas. La signature électronique n’est en effet pas une signature manuscrite apposée sur un support électronique, mais bien une suite de caractères. Il s’agit donc bien d’une conception informatique, technique. Elle va utiliser des données numériques ; une signature manuscrite par fax sera ainsi transmise par voie électronique mais elle ne sera pas considérée comme une signature électronique puisqu’elle ne sera pas elle-même composée de données numériques. 

La signature électronique va alors être vue comme un moyen de cryptologie permettant la sécurité des transactions électroniques. De ce fait, l’article 29 de la Loi du 21 juin 2004 (note 2) va définir les moyens de cryptologie ainsi que l’utilité de ceux-ci. Ainsi, « on entend par moyen de cryptologie tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu'il s'agisse d'informations ou de signaux, à l'aide de conventions secrètes ou pour réaliser l'opération inverse avec ou sans convention secrète. » L’article précise également l’utilité de ces moyens de cryptologie en établissant qu’ils ont « principalement pour objet de garantir la sécurité du stockage ou de la transmission de données, en permettant d'assurer leur confidentialité, leur authentification ou le contrôle de leur intégrité. » Il s’agit donc d’une empreinte pour s’assurer que le document n’a pas été modifié. 

Ainsi, lors de transactions commerciales effectuées par le biais d’internet, de nombreuses formes de signatures sont utilisées, tels que l’entrée d’un code sur un site internet ou encore l’usage de sa carte bancaire. Si ces formes de signature semblent s’éloigner de la conception traditionnelle de la signature manuscrite, elles remplissent finalement la même fonction. Hors le fait qu’elle soit nécessaire – et même indispensable – dans le cadre du commerce électronique, l’un des avantages de la signature électronique est celle de favoriser la non-répudiation d’un document électronique et d’authentifier l’auteur de ladite signature. Cet élément sécurisant de la signature électronique n’a pu que conduire à son acceptation progressive au sein du commerce à distance mais a également forcer le législateur à l’encadrer juridiquement. 

 

Il semble ainsi évident que suite au développement conséquent du commerce électronique, par les nombreux achats effectués sur internet, la cryptologie est amenée à jouer un rôle central dans les relations entre consommateurs et professionnels, entre professionnels entre eux, ou encore entre non-professionnels. De ce fait, la signature électronique risque de devenir un enjeu majeur dans les prochaines années puisqu’elle serait en mesure « d’assurer la sécurité et de développer la confiance sur les réseaux ouverts de type Internet le principal danger existant en la matière étant la fraude sous ses différentes formes et applications », dans une société aujourd’hui pleinement tournée vers le commerce à distance. 

 

Quelles sont finalement les garanties offertes par la signature électronique et quelle serait sa force probante en cas de contestation ? Décryptage. 

 

I. Les origines du concept de signature électronique.

 

Le concept de signature électronique ne peut être appréhendé qu’au travers du concept de dématérialisation. 

Ce processus de dématérialisation s’est développé assez tôt, dans les années 1970, dans le cadre de deux secteurs bien spécifiques : le domaine maritime (dans le cadre du commerce international) et dans le domaine bancaire (notamment pour les crédits documentaires qui sont des moyens de paiement à disposition des professionnels permettant de sécuriser les transactions à l’international). Ce processus s’est par la suite étendu, en 1981, à la dématérialisation des titres émis par les sociétés de capitaux ; désormais, des titres porteurs jusque-là émis sur papier, furent dématérialisés. La propriété des actions pouvaient alors se traduire par des inscriptions dans les comptes de la société.

 

De même, dans un arrêt rendu le 9 avril 1987, la première chambre civile de la Cour de cassation avait admis la licéité de la signature électronique sous forme de code confidentiel concomitant à l’utilisation d’une carte bancaire ; elle a alors souligné les deux éléments fondamentaux de cette dernière : un code secret ainsi que la présentation d’une carte bancaire. La Cour de cassation a ainsi établit que cette signature était un moyen suffisant pour rapporter la preuve d’une créance (note 3).

 

Ce processus de dématérialisation a ensuite étendu sa portée à d’autres domaines à travers les conventions de laCommission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) jusqu’en 2005, avec notamment le principe de non-discrimination à l’égard des messages et documents électroniques. Nous pouvons assister ici aux prémices de la reconnaissance de l’écrit électronique et surtout des mécanismes de signatures électroniques ; désormais, le principe d’équivalence entre la signature électronique et la signature manuscrite était établi et entériné. Ce principe fut par la suite étendu comme principe de reconnaissance mutuelle de la signature électronique, qui établit qu’une signature électronique doit être reconnue comme valable dans n’importe quel autre Etat membre, dès lors qu’elle est reconnue comme valable dans son pays d’origine. Une telle reconnaissance fut également remarquée en droit européen avec notamment les directives sur la signature électronique de 1999 (note 4), du commerce électronique de 2000 (note 5) ou bien encore sur la facture électronique de 2001 (note 6), qui se sont notamment interrogées sur le mécanisme du double-clic (donc le moment où la commande est officiellement confirmée) et sur le concept de signature électronique.

 

Néanmoins, l’une des étapes majeures dans la reconnaissance de la signature électronique fut sans conteste la création du Règlement eIDAS (Electronic Identification And Trust Services) en 2014 (note 7) ; ce texte s’est ainsi substitué aux textes antérieurs en matière d’identification et d’authentification électronique dans l’Union européenne et en constitue encore aujourd’hui la source principale en matière de réglementation en permettant ainsi d’assurer la sécurité des transactions en ligne. Ce dernier a alors souligné deux éléments de la signature électronique qui forment le terreau des garanties qu’elle peut offrir : le devoir d’authentification et le devoir d’intégrité. 

 

II. Le devoir d’authentification et d’intégrité : garanties offertes par la signature électronique.

 

L’article 1367 du Code civil définit la signature au sens général : « La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. »

Par ailleurs, l’alinéa 2 du même article donne une définition plus précise de la signature électronique : « Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

 

Il ressort de cet article que l’une des composantes fondamentales de la signature est sa capacité à manifester le consentement de l’auteur. La notion de consentement est de fait l’une des questions centrales en droit des contrats puisqu’un contrat n’est véritablement valable que lors de l’échange des consentements des deux parties. Il semble donc logique que l’alinéa 2 de l’article susvisé prenne en compte cette notion de consentement dans sa définition de la signature électronique : il va alors insister sur la fiabilité du procédé. L’article rappelle ainsi que ce procédé doit garantir « le lien avec l’acte auquel [la signature] s’attache ». La complication vient ici du fait que ce lien ne peut pas se manifester de manière physique comme la signature manuscrite (note 8). Il va donc s’agir ici d’une empreinte vérifiable à l’aide d’une clé publique contenue dans le certificat et qui sera elle-même associée à la clé privée de signature.

 

Ainsi, la signature électronique vient garantir deux éléments fondamentaux : d’une part l’identité des parties au contrat (il s’agit donc de l’élément d’authenticité), et d’autre part la protection de ce contrat face aux actes frauduleux qui pourraient venir le modifier (il s’agit donc de l’élément d’intégrité). 

Mais la signature permet également de démontrer l’intention du signataire puisqu’elle manifeste le consentement des parties à toutes les obligations qui vont découler de cet acte (note 9). Cet élément intentionnel est de fait fondamental : le signataire doit avoir voulu s’engager dans le contrat. Cette condition d’intention va ainsi soulever un problème majeur quant à l’utilisation de la signature électronique : la force probante de cette dernière. En effet, une signature électronique sûre serait alors une condition indispensable à la validité des contrats conclus par le biais d’Internet (note 10).

 

III. La problématique de la preuve.

 

La preuve de l’intention de signer a donc été présentée comme une des conditions fondamentales pour reconnaître la validité d’une signature électronique ; l’un des moyens originellement trouvés afin de garantir cette volonté était l’utilisation du « double clic ». 

Mais ce procédé connaît certaines failles. Ainsi, la Commission sur les clauses abusives a pu considérer que les clauses qui accordent une valeur probante irréfragable aux enregistrements électroniques réalisés par un professionnel et qui établissent que le « double clic » a la même valeur qu’une signature électronique (définie à l’article 1367, anciennement 1316-4 du Code civil) créent un déséquilibre significatif et devraient être éliminées des contrats du commerce électronique (note 11).

Le cachet électronique a également été conçu comme l’équivalent de la signature électronique mais pour une personne morale. Bien que cette idée de cachet électronique ne porte pas grand-intérêt en France puisque l’on reconnaît la signature d’une personne physique au nom d’une personne morale, il peut être très utile dans certains Etats qui reconnaissent la signature d’une personne morale. 

La signature manuscrite scannée aurait pu être une autre alternative afin de contrer la difficulté de prouver l’authenticité d’un document, mais là-encore, cette solution s’est heurtée à d’autres problématiques. En effet, il pouvait arriver aux avocats d’envoyer leurs documents signés par email sous forme dématérialisée ; ils apposaient ainsi une signature scannée au bas de leurs documents. Or, du point de vue de la procédure, la seule signature envisageable était celle obtenue par le biais du greffe électronique ; il fallait de ce fait obtenir une clé, ainsi qu’un certificat d’authentification qui pouvait être utilisé au travers d’un code.

 

Suite à toutes ces difficultés, une première reconnaissance des signatures électroniques comme moyen de preuve a été admise par la proposition de directive du 16 juin 1998 qui avait prévu qu’elles « soient d’une part reconnues comme conformes aux exigences légales relatives à une signature manuscrite, et d’autre part, admises comme preuve en justice de la même façon que les signatures manuscrites ».

Par la suite, l’article 1366 du Code civil a pu établir que « l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. » Si cet article traite spécifiquement de l’écrit électronique, il ne fait finalement que mettre en relief l’importance de la reconnaissance de la signature électronique comme élément de preuve à la validité d’un contrat. En effet, il est ici indiqué que l’écrit électronique ne pourrait obtenir la même force probante que l’écrit manuscrit que si ces conditions d’imputabilité et d’intégrité sont respectées. Pour satisfaire ces conditions, il semble donc logique que le recours à la signature électronique soit reconnu juridiquement. 

 

L’article 1367 du Code civil (note 12) a dès lors pu entériner la force probante de la signature électronique, en se basant sur l’article 1366 susmentionné, dès lors qu’elle consiste « en l’usage d’un procédé fiable d’identification, garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache ». 

Cette condition technique a alors conduit à une différence fondamentale entre trois types de signatures : la signature simple, la signature avancée et la signature qualifiée qui va, quant à elle, donner une certaine garantie d’authenticité et de fiabilité qui la rendrait alors plus efficace que les deux autres.  

 

IV. Les trois types de signature électronique. 

 

Le règlement eIDAS de 2014 va ainsi distinguer ces trois types de signatures. D’abord, la signature électronique simple, qui est globalement la plus utilisée par les justiciables non-professionnels. Ensuite la signature avancée, qui repose, elle, sur une technique de vérification plus élaborée. Et enfin, la signature électronique qualifiée qui va, quant à elle, reposer sur un certificat qualifié. Ces deux dernières sont très souvent confondues, et sont finalement fréquemment assimilées en droit français. 

En pratique, et pour satisfaire aux exigences de signature du Code civil, seule la signature qualifiée s’imposerait véritablement. En effet, elle semble impossible à falsifier ; prouver le contraire s’avèrerait donc impossible devant un tribunal.

 

La signature « simple » n’est pas présumée fiable ; cependant, l’écrit ne pourra pas être refusé en justice au titre de preuve dès lors que le procédé permet d’identifier le signataire et de garantir le lien avec l’acte signé. Ainsi, dans le cas où une contestation pourrait être relevée, il sera nécessaire de prouver la fiabilité du procédé de signature électronique utilisé. 

 

La signature « sécurisée » ou « présumée fiable » va quant à elle satisfaire à trois exigences fondamentales : elle va être propre au signataire, être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif  et va garantir, avec l’acte auquel elle s’attache, un lien tel que toute modification ultérieure de l’acte soit détectable (c’est le principe d’intégrité du document que nous avons vu préalablement).

Le certificat de signature électronique, pourrait également être appelé certificat d’authenticité de sites web. Il s’agirait finalement d’une sorte de carte d’identité numérique. Ce certificat va venir garantir le lien entre l’identité d’une personne et sa signature électronique. Ce certificat est en principe délivré par une autorité de certification, donc un tiers de confiance, c’est-à-dire un organisme habilité par l’Etat à mettre en œuvre des signatures électroniques. Ces services vont alors fournir ce certificat afin de garantir l’origine et l’authenticité d’une signature électronique d’un site internet par exemple (il s’agit des mêmes organismes qui vont venir garantir que le site internet utilisé par un individu est bien celui qu’il désirait consulter). Ce certificat contiendra de nombreuses informations sur cette signature électronique et pourra alors être stocké sur un disque dur, dans une carte à puce ou sur un autre support. Il est très souvent délivré en tête à tête ; la personne va pouvoir obtenir un code avec la présentation de sa carte d’identité et prendre ensuite un rendez-vous pour retirer sa clé. Il s’agit donc bien d’une démarche entièrement personnelle, qui se rattache de ce fait à la signature manuscrite traditionnelle. Ce genre de système peut ainsi être fréquemment utilisé, comme par exemple pour le site e-Barreau, où il est nécessaire d’insérer une clé de certification dite Avocat dans un port USB afin d’accéder au site. 

 

Ainsi, la signature dite qualifiée est sans aucun doute la plus efficace afin de prouver l’authenticité du document et de contrer toute contestation qui pourrait être soulevée ultérieurement, mais est hélas encore trop peu utilisée, notamment par les justiciables non-professionnels qui ne sont pas forcément au courant de son existence. 

 

​

Article 2

Réforme du droit des sûretés 2021 : L’assouplissement du formalisme ad validitatem des contrats de cautionnement

          C’est à la veille de la rentrée universitaire que l’ordonnance n°2021-1192 (note 1) du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés vient réaliser une refonte des sûretés personnelles et des sûretés réelles en droit français. Cette réforme vient compléter (note 2) la précédente ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 qui s’était concentrée, pour des raisons d’habilitation (note 3), sur la réforme des sûretés réelles, délaissant ainsi les sûretés personnelles.

         Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur dès le 1er janvier 2022 aux termes de l’article 37 de l’ordonnance du 15 septembre 2021 « Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er janvier 2022 (…) Les cautionnements conclus avant la date prévue au 1er alinéa du I demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public ». 

         Les principaux objectifs de cette réforme sont de renforcer la sécurité juridique et l’efficacité des sûretés et d’augmenter l’attractivité du droit français à l’international (note 4). Pour cela, la réforme du droit des sûretés de 2021 a effectué, conformément à l’article 16 du projet de loi PACTE, un important travail de simplification et de modernisation du droit des sûretés afin de le rendre plus clair et plus lisible comme peuvent en témoigner les nouvelles dispositions concernant le cautionnement. 

         Parmi ces nouvelles dispositions, il conviendra de s’intéresser au nouveau formalisme du contrat de cautionnement conclus par des cautions personnes physiques résultant de la réforme du droit des sûretés de 2021. 

 

I. Le nouvel article 2297 : l’assouplissement attendu/opportun du formalisme ad validitatem

​

         La formation du contrat de cautionnement est soumise à des conditions de fond ainsi qu’à des conditions de forme. La réforme du droit des sûretés est venue réformer ces conditions notamment en allégeant les conditions de forme relatives à la validité du contrat de cautionnement. 

 

         Les conditions de forme du contrat de cautionnement ont fait l’objet d’évolutions législatives, d’hésitations jurisprudentielles et de controverses doctrinales traduisant la nécessité de les réformer.

         Selon l’article 1376 du Code civil (anc. Article 1326), le contrat de cautionnement est un contrat consensuel soumis à un formalisme n’ayant qu’une fonction probatoire malgré les hésitations jurisprudentielles dans les années 1980 (note 5). Ainsi, l’exigence de formalisme dans cet article n’affecte pas la validité du contrat mais permet de constituer une preuve « La règle de l’article 1326 du Code civil comporte une volonté de protéger le débiteur contre le risque de modification par le créancier de la somme en chiffres figurant sur le seul original existant et qui serait en sa possession et indirectement il attire son attention sur la portée de son engagement " (note 6).

         Cependant, le législateur est venu, par plusieurs lois successives (note 7), instaurer dans le Code de la consommation (article L314-15, articles L331-1 et L331-2, articles L343-1 et L343-2) un formalisme ad validitatem pour certains types de cautionnement impliquant une caution personne physique. Cette condition de forme à titre de validité exige la réécriture manuscrite par la caution personne physique d’une mention prérédigée par le législateur ce qui a pu conduire certains auteurs a considéré que « La solennité tourne à la formule sacramentelle" (note 8) et qualifié cette méthode de « procédé de la “page de réécriture“ (note 9).

         D'une manière générale, l’objectif du formalisme ad validitatem est d’attirer l’attention d’une partie sur l’importance de son engagement et de l’inviter à réfléchir avant de donner son consentement. Ce formalisme est donc un moyen de protection préventive du consentement au contrat : « La forme est devenue l’instrument privilégié de toute protection de la partie faible et, l’impératif de protection ayant été perçu comme primordial, s’en est nécessairement suivi un développement sans précédent du formalisme » (note 10). Dans le contrat de cautionnement, le fait d’imposer la réécriture manuscrite d’un modèle légal de mention devait permettre à la future caution personne physique de réfléchir, en réécrivant cette mention, à la portée de son engagement : « La logique de la mention manuscrite - ce qui est écrit à la main suppose une mobilisation cérébrale plus importante qu’une simple signature » (note 11). 

         En cas de non-respect de cette mention manuscrite, la sanction prévue par les textes est la nullité du contrat de cautionnement. Ce texte relevant de l’ordre public de protection (note 12), la nullité se trouve être relative (note 13).

 

         La réforme du droit des sûretés de 2021 a considérablement allégé les conditions de forme exigées pour la validité du contrat de cautionnement. En effet, le nouvel article 2297 du Code civil issu de la réforme dispose que « A peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et en accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres. Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaît dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions. A défaut, elle conserve le droit de se prévaloir de ces bénéfices. La personne physique qui donne mandat à autrui de se porter caution doit respecter les dispositions du présent article ». Cet article exige donc toujours un formalisme ad validitatem c’est-à-dire à peine de nullité, néanmoins il vient opérer plusieurs changements. 

         Tout d’abord, il ne fait plus référence à un modèle légal de mention manuscrite que la caution personne physique devrait respecter pour que son contrat de cautionnement soit valide. Cette suppression est conforme à l’avant-projet de réforme (note 14) et au souhait d’une partie de la doctrine qui, il y a encore quelques années, la considérait comme relevant « certainement de l’utopie » (note 15). Malgré un allégement considérable du nouveau formalisme, ce dernier ne semble pas nécessairement moins protecteur pour la caution personne physique qui devra toujours formaliser son consentement afin de bien prendre conscience de son engagement : « Ce formalisme requis correspondra à une manifestation de volonté exprimée de manière simplifiée par la caution, sans que soit exigé le recopiage d’une phrase relativement complexe » (note 16).

         Ensuite, cet article ne fait plus référence à une mention manuscrite mais se contente d’exiger une « mention » de la part de la caution personne physique. La suppression de l’exigence d’une mention obligatoirement manuscrite permettra ainsi la conclusion de contrats de cautionnement par voie électronique (note 17).

         L’objectif de ce nouveau formalisme semble de corriger les abus engendrés par le formalisme très strict d’avant la réforme afin de réduire les contentieux et de renforcer l’efficacité du contrat de cautionnement sans pour autant renoncer à la protection du consentement de la caution personne physique.  

 

         L’allégement du formalisme nécessaire à la validité du contrat de cautionnement conclu par une caution personne physique semble opportun. Néanmoins, le nouveau texte pourrait susciter, certes dans une moindre mesure, des nouveaux contentieux. 

 

II. La fin d’un contentieux pourrait en cacher un autre 

​

         La réforme, en assouplissant le formalisme ad validitatem du contrat de cautionnement souscrit par une caution personne physique, vient mettre un terme au contentieux engendré par ce formalisme trop strict. Les contrats de cautionnement conclus à partir du 1er janvier 2022 seront donc marqués par davantage de sécurité, de prévisibilité et de lisibilité juridiques. Néanmoins, il est préférable de rester prudent et rigoureux quant à la rédaction de la nouvelle mention et attentif à la future jurisprudence. 

          Ce formalisme ad validitatem auparavant exigé par le Code de la consommation a fait l’objet de vives critiques doctrinales et a engendré un important contentieux qu’il conviendra de rappeler avant d’évoquer les solutions proposées par la jurisprudence. Les critiques se concentraient principalement autour des manques de lisibilité des textes, d’efficacité du contrat de cautionnement et de sanction des cautions personnes physiques de mauvaise foi : « ce formalisme apparaît par conséquent contre-productif : il provoque un contentieux important, il incite les plaideurs à la mauvaise foi, il fragilise inutilement le cautionnement, sans que son efficacité dans le but louable de protéger la caution ait été démontrée » (note 18).

         Les différents ajouts par le législateur de textes exigeant un formalisme ad validitatem dans le Code de la consommation pour les contrats de cautionnement souscrit par une caution personne physique envers un créancier professionnel ont provoqué ce que la doctrine a qualifié « d’éparpillement des textes » relatifs à la formation du contrat de cautionnement entre plusieurs codes nuisant fortement à la lisibilité juridique « Qui peut comprendre qu’une partie importante des règles le (droit du cautionnement) concernant, les plus importantes au plan du contentieux, ait pris place le plus souvent au sein du Code de la consommation ? » (note 19).

         De surcroît, ce formalisme très rigide a provoqué, dans un premier temps, la remise en cause d’un certain nombre de contrats de cautionnement dont la mention manuscrite recopiée par la caution personne physique ne correspondait pas exactement au modèle légal de mention (note 20). Ainsi la rigidité de ce formalisme, conjugué à l’absence de pouvoir d’appréciation du juge réduit à vérifier l’exactitude de la mention (note 21), portaient atteinte à l’efficacité du contrat de cautionnement et de manière générale à la sécurité juridique. 

         Enfin, beaucoup d’auteurs (note 22) ont mis en lumière la possibilité pour la caution de tirer profit de ce formalisme très strict en invoquant une erreur dans l’écriture de la mention manuscrite alors même que celle-ci n’avait eu aucune influence sur son consentement dans le seul but de se délier de son engagement : « Nul doute que ce formalisme paroxystique puisse constituer parfois pour des cautions une aubaine et un prétexte pour échapper à des engagements parfaitement assumés initialement (…) » (note 23). Ainsi, ce formalisme qui devait à l’origine protéger le consentement de la caution finissait finalement par devenir un moyen pour la caution de ne pas respecter son engagement. 

 

         Face à ces critiques, la Cour de cassation a fait un important travail d’interprétation (note 24) pour ne pas sanctionner automatiquement par la nullité une erreur dans la mention manuscrite afin de préserver l’efficacité du contrat de cautionnement. L’assouplissement de la jurisprudence a ainsi permis, de manière pragmatique, de tolérer dans les mentions manuscrites les erreurs minimes ou si elles n’altèrent pas le sens ni la portée de l’engagement de la caution (note 25). C’est le cas par exemple avec certaines erreurs de ponctuation (note 26).

         Ces évolutions d’interprétation de la jurisprudence, bien qu’opportunes du point de vue du sauvetage du contrat de cautionnement, ont engendré un manque de lisibilité de la jurisprudence, une insécurité juridique et surtout de l’imprévisibilité juridique. 

         La réforme semble ainsi mettre fin aux complications engendrés par ce formalisme trop rigide. Cependant, cette nouvelle liberté de rédaction offerte aux cautions personnes physiques peut également présenter des risques aussi bien pour l’efficacité du contrat de cautionnement que pour la protection du consentement de la caution personne physique.  

         Tout d’abord, des contentieux peuvent naître quant à la qualification et à l’interprétation de la mention rédigée par la caution personne physique. N’ayant plus de modèle « type », la caution va devoir rédiger elle-même son engagement ce qui peut donner lieu à des difficultés en cas de rédaction insuffisante ou maladroite « il reste la question de l’incidence d’une rédaction malheureuse de l’engagement de payer en cas de défaillance du débiteur, ou encore celle de l’absence de mention des accessoires » (note 27).

         Ensuite, il appartiendra au juge en cas de contentieux de vérifier, avec une mention dont la rédaction est désormais plus libre, que la caution personne physique a pu bien prendre conscience de la portée de son engagement afin de donner un consentement éclairé. En effet, il est possible que les risques à cause desquels ce formalisme ad validitatem très strict avait été mis en place ressurgissent au moment de l’allégement de ce formalisme. 

         Toute la difficulté réside maintenant dans le fait pour la jurisprudence de trouver un équilibre entre l’exigence d’un formalisme suffisamment protecteur du consentement de la caution et l’efficacité du contrat de cautionnement.

 

 

Bibliographie : 

 

-    « Réforme du droit des sûretés : publication de l’ordonnance », D.2021, p.1668. 

-    L. BOUGEROL, « Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 2) : formalisme et étendue du cautionnement », Dalloz Actualités, septembre 2021. 

-    X. LAGARDE, « Observations critiques sur la renaissance du formalisme », JCP G 1999, n°14, n°2. 

-    G. PIETTE, « Solution pour mettre un terme au contentieux relatif aux mentions manuscrites dans le cautionnement », D.2017, p.1064. 

-    G. RAYMOND « De la valeur du formalisme exigé par les articles L.341-2 et L.341-3 du Code de la consommation », Contrats Concurrence Consommation, Lexis360, n°5, mai 2013, comm.124.

​

  • C. ALBIGES, M-P DUMONT, Droit des sûretés, Dalloz, Coll. Hypercours, 7ème éd. 2019. 

  • L. ANDREU, M. MIGNOT, La réforme du droit des sûretés, Institut Universitaire Varenne, Coll. Colloques & Essais, 2019. 

-    L. AYNES, P. CROCQ, A. AYNES, Droit des sûretés, LGDJ, Coll. Droit civil, 14ème éd. 2020. 

-    A-S. BARTHEZ, D. HOUTCIEFF, Les sûretés personnelles, LGDJ, Coll. Traité de droit civil, 2010. 

-    Y. BLANDIN (dir.), V. MAZEAUD (dir.), Quelle réforme pour le droit des sûretés ?, Dalloz, 2019. 

-    M. CABRILLAC, C. MOULY, S. CABRILLAC, P. PETEL, Droit des sûretés, LexisNexis, Coll. Manuel, 9ème éd. 2010. 

-    D. NEMTCHENKO, Cours de droit des sûretés, Gualino, Coll. Amphi LMD, 1ère éd. 2019. 

-    S. PIEDELIEVRE, Droit des sûretés, Ellipses, Coll. Cours magistral, 2ème éd. 2015. 

-    P. SIMLER, Cautionnement Garanties autonomes Garanties indemnitaires, LexisNexis, Coll. traités, 4ème éd. 2008. 

-    Y. PICOD, Droit des sûretés, Thémis Droit, 2ème éd. 2011. 

 

 

​

Estelle ANDREATTA

Note 1 : Conformément à l’article 60 de la loi PACTE n°2019-486 du 22 mai 2019. 

Note 2 : Sur la nécessité de réformer le droit des sûretés : propos introductifs du Professeur BORGA dans Y. BLANDIN (dir.), V. MAZEAUD (dir.), Quelle réforme pour le droit des sûretés ?, Dalloz, 2019 et l’article 16 du projet de loi PACTE « Dans un double objectif : clarifier et améliorer la lisibilité du droit des sûretés dans un souci de sécurité juridique et d’attractivité du droit français, et renforcer son efficacité, afin de faciliter le crédit et donc le financement de l’activité économique, tout en assurant l’équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants ». 

Note 3 : Article 24 de la loi n°2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l’économie. 

Note 4 : A ce propos : « Réforme du droit des sûretés : publication de l’ordonnance », D. 2021, p.1668 et l’article 16 du projet de loi PACTE. 

Note 5 : Voir notamment : D. NEMTCHENKO, Cours de droit des sûretés, Gualino, Coll. Amphi LMD, 1ère éd. 2019, p.88. 

Note 6 : S. PIEDELIEVRE, Droit des sûretés, Ellipses, Coll. Cours magistral, 2ème éd. 2015, p.50. 

Note 7 : La loi Neiertz du 31 décembre 1989 en matière de crédit à la consommation, la loi du 21 juillet 1994 en matière de baux d’habitation et la Loi Dutreil du 1er août 2003 en matière de cautionnement sous seing privé souscrit par une caution personne physique envers un créancier professionnel. 

Note 8 : L. AYNES, P. CROCQ, A. AYNES, Droit des sûretés, LGDJ, Coll. Droit civil, 14ème éd. 2020, p.110.

Note 9 : P. SIMLER, Cautionnement Garanties autonomes Garanties indemnitaires, LexisNexis, Coll. traités, 4ème éd. 2008.. 

Note 10 : X. LAGARDE, « Observations critiques sur la renaissance du formalisme », JCP G 1999, n°14, n°2. 

Note 11 : L. AYNES, P. CROCQ, A. AYNES, Droit des sûretés, LGDJ, Coll. Droit civil, 14ème éd. 2020, p.111. 

Note 12 : G. RAYMOND « De la valeur du formalisme exigé par les articles L.341-2 et L.341-3 du Code de la consommation », Contrats Concurrence Consommation, Lexis360, n°5, mai 2013, comm.124. 

Note 13 : Com. 5 février 2013 n°12-11.720 « Mais attendu que la violation du formalisme des articles L.341-2 et L.341-3 du Code de la consommation, qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution, est sanctionnée par une nullité relative, à laquelle elle peut renoncer par une exécution de son engagement irrégulier, en connaissance du vice l’affectant » 

Note 14 : Avant projet de réforme de l’association Henri Capitant article 2298. 

Note 15 : G. PIETTE, « Solution pour mettre un terme au contentieux relatif aux mentions manuscrites dans le cautionnement », D.2017, p.1064. 

Note 16 : Propos tenus au sujet de l’avant projet de réforme du droit des sûretés qui proposait la suppression de la mention manuscrite prérédigée : L. ANDREU, M. MIGNOT, La réforme du droit des sûretés, Institut Universitaire Varenne, Coll. Colloques & Essais, 2019. 

Note 17 : L. BOUGEROL, « Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 2) : formalisme et étendue du cautionnement », Dalloz Actualités, septembre 2021. 

Note 18 : G. PIETTE, « Solution pour mettre un terme au contentieux relatif aux mentions manuscrites dans le cautionnement », D.2017, p.1064. 

Note 19 : Y. BLANDIN (dir.), V. MAZEAUD (dir.), Quelle réforme pour le droit des sûretés ?, Dalloz, 2019, p.8. 

Note 20 : Com. 5 avril 2011 n°09-14.358 publié au Bulletin « Mais attendu que la nullité d’un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions prescrites par les articles L.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, à l’exception de l’hypothèse dans laquelle ce défaut d’identité résulterait d’erreur matérielle » 

Note 21 : P. SIMLER, Cautionnement Garanties autonomes Garanties indemnitaires, LexisNexis, Coll. traités, 4ème éd. 2008. p.267 : « Un formalisme aussi pointilleux ne peut que susciter de nouveaux contentieux, aucun pouvoir d’appréciation ne pouvant être reconnu au juge ». 

Note 22 : Par exemple : S. PIEDELIEVRE, Droit des sûretés, Ellipses, Coll. Cours magistral, 2ème éd. 2015, p.52 « Le formalisme ne doit avoir un caractère rigide et standardisé, faute sinon pour lui de devenir un instrument de protection des débiteurs de mauvaise foi, uniquement soucieux de ne pas respecter leurs engagements ». 

Note 23 : P. SIMLER, Cautionnement Garanties autonomes Garanties indemnitaires, LexisNexis, Coll. traités, 4ème éd. 2008. 

Note 24 : A ce propos : C. ALBIGES, M-P DUMONT, Droit des sûretés, Dalloz, Coll. Hypercours, 7ème éd. 2019. 

Note 25 : Civ. 1ère 10 avril 2013 n°12-18.544 publié au Bulletin : « Qu’en statuant ainsi, alors que l’évocation du caractère « personnel et solidaire » du cautionnement, d’une part, la substitution du terme « banque » à ceux de « prêteur » et de « créancier », d’autre part, n’affectaient ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par les articles L.341-2 et suivant du code de la consommation, la cour d’appel a violé les textes susvisés » 

Note 26 : Par exemple com. 5 avril 2011 n°10-16.426 « Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’apposition d’une virgule entre la formule caractérisant l’engagement de caution et celle relative à la solidarité n’affecte pas la portée des mentions manuscrites conformes aux dispositions légales, la cour d’appel a violé les textes susvisés ». 

Note 27 : L. BOUGEROL, « Réforme du droit des sûretés (Saison 2, Episode 2) : formalisme et étendue du cautionnement », Dalloz Actualités, septembre 2021.  

Article 3
bottom of page